Lecture d’été: le bûcher des vanités

Un seul livre vraiment remarquable lu cet été: LE BUCHER DES VANITES de Tom Wolfe; j’imagine que parmi mes très lettrés habitués, nombreux ont déjà lu ce roman qui vingt ans après sa parution, est déjà un classique.

On a coutume de dire que ce roman est l’illustration de l’absurdité et de la fragilité de la réussite sociale. Effectivement, le personnage principal est Sherman McCoy,  un trader issu d’une famille de Wasps fortunés. Il  n’est pas foncièrement heureux, stressé par son job à Wall Street et par sa liaison avec une femme mariée,  mais il mène une vie plus que confortable:  sa femme est décoratrice pour des gens très friqués, ils élèvent une fillette adorable, et possèdent un appartement de 3 millions de dollars sur Park avenue, ainsi qu’une résidence secondaire à Long Island. Ce qui fait le plus vibrer Sherman, c’est  la certitude qu’en jonglant chaque jour avec les millions des autres sur le marché mondial des obligations, il est devenu un des « maîtres de l’univers »; la société financière Pierce & Pierce qui l’emploie est le paradis des financiers qui se grisent d’opérations juteuses, de coups réussis, grâce auxquels ils vivent comme des milliardaires dans ce New York où seuls quelques élus dominent une société bigarrée d’irlandais arrivistes, de juifs qu’on admire pour leur fortune mais qu’on méprise parce qu’ils ne font pas partie du gratin social protestant, de petits bourgeois survivant dans des appartements minables, de journalistes peu scrupuleux, prêts à toutes les bassesses pour satisfaire leur boss, de pauvres qui travaillent au service des élus. On sait aussi que le Bronx est là, tout proche, peuplé de « blacks » et de « latinos » presque tous délinquants. On le sait, mais on est sûr et certain, quand on fait partie des « happy few »,  de ne jamais avoir à côtoyer ces gens là.

Sherman McCoy voit sa vie basculer le jour où par mégarde, il met les pieds dans un monde qui n’est pas le sien.  Un soir où il est allé chercher sa maîtresse à l’aéroport de la Guardia, il rate la bonne sortie de l’autoroute. Le couple se perd dans le Bronx, tombe sur un piège, des pneus et des poubelles barrant la route. Deux jeunes noirs surgissent, Maria et Sherman terrorisés parviennent à s’enfuir mais heurtent au passage le plus jeune avec la mercédès décapotable. Ils ne savent pas si le gosse est blessé, mais  démarrent en trombe, car leur instinct est de  fuir ce cauchemar de quartier pourri, ces blacks menaçants. Bien évidemment le copain du blessé a eu le temps de repérer les premières lettres de la plaque d’immatriculation et Sherman fait bientôt connaissance avec les flics et les juges du Bronx et doit faire face à sa soudaine « célébrité » dans la presse new yorkaise.

Etonnant personnage que ce Sherman qui découvre qu’il doit se justifier pour la première fois de sa vie, faire face à sa responsabilité, affronter l’opprobre dans un climat de luttes raciales très tendues: dans les années 80, il aurait été encore impensable de porter un homme comme Barack Obama à la présidence.  McCoy est lâche, maladroit, parfois touchant. Il découvre, un peu tard, que la vie n’est pas une ligne droite et que presque tout le monde le lâche, y compris sa maîtresse: quand le bateau coule, les rats quittent le navire, c’est bien connu.

Ce qui est remarquable dans ce roman de 900 pages , c’est la description minutieuse et saisissante de scènes par lesquelles Tom Wolfe dresse un portrait époustouflant de cynisme et de réalisme de la société new yorkaise des années 80: un ennuyeux dîner mondain, une matinée au tribunal du Bronx, les diatribes d’un révérend noir peu soucieux de bonne foi pour mener son combat contre les capitalistes blancs et racistes, une garde à vue dantesque parmi des blacks et des latinos, la vie quotidienne à la fois routinière et ubuesque des traders qui passent leur temps à hurler au téléphone des ordres de rachat ou de vente, une scène de lynchage verbal par une meute de journalistes, un type qui meurt dans un restau hyper chic et se fait évacuer par la fenêtre des toilettes pour dames, afin que la vision indécente de son cadavre ne perturbe pas davantage la clientèle, une conversation d’une froideur insensée au cours de laquelle le « héros » apprend que sa femme ne l’aime plus et ne lui apportera aucun secours: autant de scènes jubilatoires, impitoyables de lucidité. On pense évidemment à Balzac, à Proust, à Albert Cohen car les écrivains qui ont du souffle pour tenir 900 pages en étant brillants de la première à la dernière ligne ne sont pas légions.

Un extrait:

Le lendemain matin, Sherman McCoy fit l’expérience de quelque chose d’entièrement nouveau pour lui depuis huit ans qu’il était chez Pierce &Pierce. Il était incapable de se concentrer. D’ordinaire, dès qu’il entrait dans la salle des obligations, et que les lueurs des panneaux vitrés le frappaient tandis qu’une légion d’hommes jeunes et affolés par le gain et l’ambition l’emportait dans son flux, tout le reste de son existence s’effaçait et le monde se réduisait enfin à ces petits symboles verts qui couraient sur les écrans d’ordinateurs. Même le matin le plus stupide de sa vie, le main où il s’était demandé si sa femme allait le quitter et lui prendre la chose la plus précieuse de sa vie, c’est à dire Campbell- même ce matin là, il était entré dans la salle des obligations et juste comme ça, l’existence humaine s’était réduite aux obligations françaises indexées sur l’or et les bons sur vingt ans des Etats Unis…


_C’est salement désolant de voir comme ça va vite quand ça s’effondre, dit-il à Killian._Et il ne voulait pas en dire tant, mais il ne pouvait pas s’en empêcher:_Tous ces liens, tous ces gens avec qui tu as été à l’école, les gens des mêmes clubs, les gens avec qui tu sortais dîner_c’est comme des fils, Tommy, des fils qui tissent ta vie, et quand les fils cassent…C’est fini!…C’est tout…Je suis si triste pour ma petite fille. Elle va porter mon deuil, elle portera le deuil de son père, du papa dont elle se souvient, sans savoir qu’il est déjà mort.

statistiques

Je pars dans quelques jours en vacances et je manque d’envie et d’inspiration pour faire une critique de livre ou de film. Depuis longtemps,  j’ai constaté que l’été, je me sens régresser à l’état d’esprit de l’écolier en grandes vacances: besoin de flemmarder et fuite devant la perspective de commencer quelque chose de sérieux.

Pour ce dernier post du mois de juillet, je préfère donc livrer les constatations amusées que j’ai pu faire en suivant les statistiques de mon blog. Voici le TOP 4 des articles les plus consultés depuis le début de POSTSCRIPTUM:

1. Irréversible

2. Le questionnaire de Valentina

3. Unplugged, premier roman d’Alex

4. Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates

 

Faut pas s’étonner que les magazines qui se lisent le plus soient Paris match, Voici,  Elle et autres publications dites « de salle d’attente ». Parce qu’ Irréversible (le film) en no 1 sur ce blog sensé être à orientation littéraire,  c’est assez surprenant: dois-je en déduire que la violence, le sexe et le scandale liés à un film réputé irregardable sont plus attirants pour le lecteur moyen de Postscriptum dont j’imagine pourtant qu’il est cultivé, sensible, attiré par le beau et le bien, que les romans de Tanguy Viel et d’ Emmanuel Carrère? Je ne peux toutefois pas lui jeter la pierre à ce cher lecteur. Moi même, je suis plus souvent chez Wrath, pour découvrir les nouveaux ragots du monde de l’édition,  que chez Anne Sophie Demonchy ou Pierre Assouline qui font des critiques assez bien foutues et ne donnent pas dans la gaudriole.  La paresse intellectuelle, c’est terrible…Et le questionnaire de Valentina, en seconde  position,  est-ce-bien raisonnable? Un truc que j’ai fait en m’amusant mais qui ne plane pas bien haut, soyons francs.

Bonne surprise heureusement,  que la troisième position pour le roman d’Alex: elle a bénéficié du fait que cet article a été visible sur  blog des ELS, mais j’avais noté un net engouement pour cet article avant sa mise en ligne chez Léo scheer.

Que Dahlia ne soit pas inquiète ou contrariée, le billet concernant « Adore » arrive cette semaine en troisième position, devançant celui d’Alex, devançant aussi « Irréversible »qui se maintient dans le top 4.

Il va sans dire que je suis un rien déçue que le post sur « Le cercle littéraire… » ait été autant lu alors que ce n’est vraiment pas mon article préféré. Ca m’apprendra à parler d’un best-seller. A la rentrée,  je ne ferai que des billets sur des auteurs oubliés, et sur des chanteurs et des films des années 70 puisque c’est comme ça!

Solo ma non troppo (bis)

Comme prévu, j’ai supprimé au bout de deux semaines,  le billet où je mettais en ligne mon manuscrit « Solo ma non troppo ». Je fais ce post pour que les retardataires puissent, s’ils le souhaitent, déposer un commentaire.

Pour ceux qui n’auraient pas téléchargé le texte, je peux le leur envoyer par mail.

lise-marie et léo sont sur un blog: ma réponse à Marco

Pour comprendre ce billet,  il faut au préalable lire celui de Marc Séfaris en cliquant ici. Avertissement: si les guerres inter-blogs et les états d’âme des écrivains non publiés vous font bailler d’ennui, n’allez pas plus loin.

J’ai eu envie de répondre à Marco car,  comme lui, je fréquente assidûment les deux blogs concernés.  Je précise d’ailleurs que si je n’avais pas découvert le blog de Wrath,  je ne connaîtrais pas celui de Léo Scheer, ni ceux de Thomas Clément,  Marco,  Anne Sophie Demonchy, Pierre Assouline,  Stalker,  et tous les autres.  Je ne connaîtrais d’ailleurs pas grand chose à la blogosphère littéraire que je ne fréquente que depuis ce jour où j’ai tapé sur google « manuscrit refusé ».  Sans le savoir, ce jour là,  j’entrais dans la confrérie des wannabes. La différence entre nous deux: j’ai eu l’occasion de déposer des textes sur le blog des ELS, lui non. Enfin pas vraiment, car j’imagine que  » Aux portes du palais  » n’était pas destiné au départ à être un m@nuscrit.

Point no1: Wrath

Wrath est une peste qui écrit à « l’arrache » des billets polémiques contre les éditeurs et les écrivains corrompus,  sans vraiment réfléchir ni soigner sa prose, mais c’est une peste utile: exact. Sans elle,  je ne connaîtrais quasiment rien au monde hostile de l’édition et me sentirais seule, me demandant pourquoi mes manuscrits reviennent de chez les éditeurs avec un NON plus ou moins poli.  A  ce jour,  les plus « polies » ont été Martine Boutang de Grasset et Karina Hocine de Lattès mais ce serait trop long à expliquer, ceux qui me connaissent un peu comprendront.

Ce que je pourrais reprocher à Wrathy, c’est de s’acharner toujours sur les mêmes, par exemple sur Jaenada qui me plait bien dans le genre écrivain qui ne la ramène pas, qui sait très bien qu’ il est border ligne entre l’écrivain très reconnu et l’écrivain qui galère,  et qui a un humour assez génial et une intelligence très fine. Pourquoi ne pas taper autant sur des gens vraiment très énervants:  Amanda Sthers, Marion Ruggieri, Pascale Clark, Leslie Bedos, Sylvie Testud, Mazarine Pingeot,  toutes ces nanas qui n’auraient JAMAIS été publiées sans relation, enfin plutôt sans un nom bankable. On va me dire que je ne tape que sur les filles, mais le seul « fils de » que j’ai trouvé est Alexandre Jardin et il est moins mauvais que ces dames. A ce moment de mon billet, j’entends ce que vous pensez, chers lecteurs: elle se wrathise, la Marie, elle devient fielleuse et je répondrai: oui, c’est vrai, et qu’est-ce que ça fait du bien:-D

Point no 2: Léo Scheer
Comme le dit Marco, Leo Scheer s’est fait une place remarquée dans la blogosphère en étant le seul éditeur à tenir un blog (avec  Gilles Cohen Solal des éditions d’Ormesson) mais surtout le seul à dialoguer avec ses habitués et à proposer la mise en ligne de manuscrits sans aucun tri ni censure. Ce serait trop long de refaire l’historique des m@nuscrits. En résumé: au début, beaucoup ont cru comme moi, que chacun avait sa chance , que ce serait une chouette aventure à tenter; certains comme moi ont pas mal lu, beaucoup commenté et espéré faire partie des élus, c’est à dire de ceux qui, bénéficiant de retours élogieux,  finiraient par voir leur prose sur du papier avec le très recherché label « édité à compte d’éditeur ».  Admirez ma franchise: oui, j’ai été naïve, ou j’y ai cru un peu,  surtout quand des gens aussi « people » que Manuel Montero ou Nicolaï Lo Russo m’ont fait l’honneur de critiques assez flatteuses. Au bout de quelques mois,  force est de constater que non, il ne suffit pas d’avoir beaucoup de commentaires, ou beaucoup de votes (comme Gaël, ou Carole Fives, les plus plébiscités, deux personnes que je trouve talentueuses, soit dit en passant).  Non: il faut plaire au maître des lieux; éventuellement grâce aussi à Angie David qui aime beaucoup Dahlia, par exemple, mais il faut d’abord et avant tout plaire à Léo. Et c’est là que le serpent se mord la queue: Léo Scheer est éditeur, il finance les publications, et c’est donc normal et légitime (et n’importe quel autre éditeur agirait de même), qu’il choisisse « au coup de coeur ». Oui, mais alors, pourquoi laisser croire que les m@nuscrits d’inconnus talentueux, mais qui n’ont pas l’heur d’être exactement conformes à ce qu’attend Léo d’un « rétropublié » ont une chance?  Pourquoi continuer à faire voter, à donner des notes? Pourquoi Ludivine/ Karl qui a martyrisé et humilié pas mal d’auteurs ( auteurs qui pensaient avoir affaire à une huile du monde des lettres, alors que c’était un wannabe comme eux^^^) a -t-elle « le droit » d’être rétropubliée pour un texte qui n’a jamais été mis en ligne? Toutes ces questions sont agaçantes et même lassantes.  Au point que certains finissent comme moi par mettre en ligne leur texte sur leur blog; parce qu’on ne croit plus à la rétropublication mais qu’on a tout de même envie d’être lu par quelques personnes. Parce que c’est finalement assez humiliant de servir de faire valoir à ceux qui sont « choisis d’avance » et dont la publication est annoncée de façon « grosse ficelle » par un billet spécial ou un petit mot sympa du maître.

Cela étant dit, je ne regrette pas d’avoir déposé quatre textes aux m@nuscrits. Cela m’a permis d’avoir des retours de gens désintéressés et bienveillants: Pseudo, Ouam-chotte, Rossman, Une fille qui passe, Jean-Luc Manet. Je ne suis pas sûre que j’aurais écrit « Solo ma non troppo » aussi vite si je n’avais pas été soutenue ainsi. En cela, les m@nuscrits peuvent représenter une sorte d’atelier d’écriture d’une grande qualité, car la plupart des gens qui déposent leurs textes ne sont pas, pour la plupart, comme certains aiment à le dire, des écrivaillons sans avenir. J’aurais aimé la même attention de certains rétropubliables. A part Nicolaï et Ludivine/Karl, personne ne m’a lue: à se demander si ce n’est pas humain, trop humain,  d’oublier les autres dès qu’on a obtenu ce qu’on souhaitait.

Quand vous dites que « Léo est un sadique débonnaire », je trouve que vous allez un peu loin, Marco.  Certes, Léo n’est pas un ange, il est un rien manipulateur,  mais il a une générosité et une ouverture d’esprit rare chez un ex homme d’affaires. On sent qu’il ne pourrait vivre sans être entouré, aimé par ses habitués: malgré tous ses défauts, ça le rend attachant.

Point no 3: le manuscrit de Wrath qui, finalement ne sera pas (encore que, allez savoir) publié dans la collection m@nuscrits.

J’ai vraiment eu la conviction que Léo Scheer avait envie de publier Wrath. Suis je naïve, était-ce un piège tendu à la vilaine peste pour l’obliger à dire non, parce qu’il savait que comme Stalker, elle refuserait de donner sa notoriété et son texte dans les mêmes conditions qu’un vulgaire wannabe sans blog tendance ? Franchement, je ne le pense pas. Léo scheer a voulu tenter un coup de poker, il a perdu, mais pas complètement car Wrath qui ne manque jamais une occasion d’insinuer que léo ne publie que des bouses écrites par des pouffes, est une fois de plus  ridicule dans la situation de l’écrivain un peu raté qui préfère continuer à rêver d’un destin à la Houellebecq ou même à la Marc lévy, (pour elle, l’important est de vendre des best-sellers), plutôt que de se confronter à la réalité en entrant dans le monde de l’édition par la petite porte.

Wrath va continuer à conspuer de plus belle Léo Scheer, la maison H. D’Ormesson, Lolita Pille, Chloé Delaume, Philippe Jaenada. Elle n’a pas eu le courage de répondre au barracuda Stalker quand il l’a attaquée dans sa zone. Dommage, ça aurait été amusant.

 

Epilogue:

Il n’y aura pas d’épilogue, avant quelques années. Et si Wrath est un jour publiée, espérons qu’une autre harpie prendra sa succession,  car sans scandales et complots, la blogosphère littéraire n’existerait pas.

désir impossible, désir absurde, absurdité du désir impossible

Ma fille Caroline a passé avant-hier l’épreuve de philo du bac S. Elle a choisi de disserter sur le sujet:

« Est-il absurde de désirer l’impossible? »

Elle a adoré le sujet, en a rempli plein de pages sur « Oui, c’est absurde, car désirer l’irréalisable conduit à l’insatisfaction, à une croyance absurde en l’irrationnel, mais en même temps impossible hier devient possible grâce à la science,  et si on ne tend pas vers l’impossible, on n’est pas humain, on reste la bête instinctive, le désir est le moteur de l’âme,  etc, etc… » Je suis sûre qu’elle aura une bonne note, normal, son père est un génie et sa mère est une maman exceptionnelle de courage, de bonté, d’écoute, d’humour complice, de subtilité et j’en passe^^^:-D

Moi qui suis beaucoup plus proche des thèses nihilistes et ultra pessimistes de Schopenhauer que de la volonté de puissance de Nietzsche, j’aurais tendance à répondre: oui, c’est absurde de désirer l’impossible, puisque désirer l’impossible c’est souffrir de manque en permanence. Pour ne pas être malheureux, mieux vaut vivre comme Bouddha que comme Obama avec son désormais légendaire « Yes we can! »

Un exemple au hasard: mon rêve d’enfant était jusqu’à douze-treize ans d’être danseuse étoile. Sauf que j’avais les pieds plats (sans pied cambré,  impossible de faire correctement des pointes), que mes parents vivaient en province et ne m’auraient jamais inscrite au concours d’entrée à l’Opéra, et que de toute façon, je n’aurais pas eu la résistance physique et le mental d’acier qu’il faut pour éliminer toutes mes rivales. Quand j’ai compris que mon désir le plus fort ne se réaliserait jamais, j’ai SU que la vie était décevante.  J’ai bien assimilé la notion d’impossibilité. Du coup les phrases du genre « Yes we can » ou « Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort », et autres absurdités, ça glisse sur moi comme la pluie sur les plumes d’un colvert.

Bon, j’espère ne pas trop plomber votre moral., en vous confrontant avec ce thème ô combien torturant.  Le premier qui parviendra à me convaincre que j’ai tort,  gagnera une caisse de Cristal Roederer.

pourquoi écrivez-vous?

En rangeant ma bibliothèque je suis tombée sur un livre acheté voilà quelques années: « Un été d’écrivains », compilation d’entretiens radiophoniques entre Brigitte Kernel écrivain et journaliste,  et des écrivains reconnus, ou du moins suffisamment connus pour intéresser le public de France Inter.

Dans chaque entretien, la journaliste pose la question: « Pourquoi écrivez-vous » ou « Que représente pour vous l’écriture ».

Parmi toutes les réponses, les trois qui m’ont paru les plus sincères, et donc les plus intéressantes:

Maud Tabachnik:

« Parce que j’aime ça et que ça me rapporte ».

Voilà une réponse franche et sans détour. L’auteur de romans policiers (pas mauvais d’ailleurs, surtout les premiers ) dit tout haut ce que beaucoup d’écrivains abonnés aux best-sellers n’avouent pas: quand on vend bien, l’écriture est un bon plan. Passer plusieurs heures par jour assis confortablement chez soi à travailler un roman vous permettant de gagner de quoi écrire le suivant sans travailler à côté, on imagine qu’il y a pire comme quotidien.

Et puis surtout elle fait ce qu’elle aime: un jour elle a commencé à écrire une histoire et n’a plus pu s’arrêter; et hop, c’était parti. Une sorte de Simenon au féminin, la Tabachnik.

Andrea H.Japp

J’avoue que je n’ai rien lu d’elle,  mais je vais m’y mettre car sa réponse était la plus étonnante et la plus approfondie:

« L’écriture est la meilleure solution pour vivre enfin. Je veux dire: vraiment. Parler pour dire quelque chose n’est pas naturel pour moi. Les mots vont trop vite, on les choisit mal, ou pas assez scrupuleusement, bref, je ressens l’oral comme une version approximative de la pensée. C’est un truc qui sert à renseigner, alerter, bavarder, certainement pas à dire. Ecrire c’est dire, avec toute la permanence des choses importantes, c’est se mouiller au travers de ses mots. C’est aller chercher au fond de soi des mots et les raisons de ces mots. C’est aussi accepter la modification. Je ne garde pas trop le souvenir des conversations que j’ai pu avoir, et m’ont peu modifiée. Je sais exactement ce que j’ai écrit, pourquoi, et combien le fait de ne pas trouver les mots m’indiquait que j’avais tort, pas compris, pas senti, pas vu. Cette prise de réalité, de vérité, s’étend à la lecture parce que je me souviens aussi très précisément de ce que j’ai lu. J’ai appris à vivre dans les livres. J’ai compris ce qu’étaient  les émotions, la rage, l’amour, les faux-semblants dans les lignes des autres. La vie n’a été qu’une confirmation expérimentale. »

Définition à la fois terrifiante et bouleversante: l’écriture permettrait de dire ce qu’on arrive pas à dire et de vivre pleinement ce qu’on ne parvient pas à vivre dans la réalité. Vision extrême de l’écrivain, considéré comme un handicapé existentiel qui ne vit complètement que dans les livres, ceux qu’il écrit, ceux qu’il lit.

 

Frédéric Vitoux.

« Peut-être pour être aimé. On écrit pour soi et si on décide de publier, de livrer ce qu’on écrit aux autres, c’est au fond pour trahir ce besoin de dire « aimez-moi. »

Jolie réponse, qui se passe de commentaires.

 

Et vous chers amis, pourquoi écrivez-vous?

un écrivain d’autrefois

Au risque de frôler le mauvais goût, de désoler certains de mes habitués, voire même de me ringardiser définitivement, tant pis, je prends le risque, j’écris un post sur Sacha Guitry, un auteur qui sent la naphtaline, un vieux de la vieille, qui lorsque j’étais gamine passait déjà pour un  macho mégalomane, snob et frivole.

Dans une bouquinerie,  j’ai acheté pour la modique somme de six euros, un volume relié et délicieusement illustré par  DA. Steinlen.  Au programme: un essai, « Les femmes et l’amour »,  et  le texte de la pièce « Désiré ».

Je n’ai pas regretté l’investissement: quel esprit et quelle plume ce Sacha Guitry! Celui qui n’était pas « contre les femmes, mais tout contre »,  qui aimait du même amour passionné son travail et les femmes « aimables », écrivait avec légèreté sur des sujets sérieux. L’amour est une chose sérieuse, la place que doit occuper la femme dans la société également. En lisant « Les femmes et l’amour » j’étais presque convaincue de l’inutilité du féminisme. C’est dire l’habileté de cet homme qui parvient à dire beaucoup de mal des femmes tout en les mettant, du moins celles qui méritent d’être aimées, sur un piédestal:

« Si je dis que je n’aime pas les femmes, c’est parce que je les adore, bien entenduTout ce mal que je pense et que je dis des femmes, je ne le pense et ne le dis que des personnes qui me plaisent ou qui m’ont plu. Et on ne peut les aimer à la folie, l’une après l’autre, que si l’on considère que celle que l’on aime est la seule qui soit aimable sur la terre. L’aimée c’est l’élue, et dire à une femme qu’on l’aime, c’est dire à toutes les autres qu’on ne les aime pas. D’ailleurs, quand une femme est élue, toutes les autres devraient prendre le deuil. »

Autre « pensée » de Guitry sur les femmes: celles-ci seraient plus heureuses si elles ne passaient une bonne partie de leur temps à s’occuper de ce que font les autres femmes:

« Si une femme est malheureuse, elles lui font du bien… Mais si une femme est heureuse, elles en disent du mal!  Et, de même que la plupart d’entre elles ne peuvent pas se résigner à leur bonheur, elles ne croient pas au bonheur des autres. Quand on leur dit qu’une femme est heureuse, elles répondent: »Oui, eh bien…Nous en reparlerons dans un an! » Et pendant vingt ans elles le répéteront sans cesse. »
Là franchement, ça me rappelle des choses; une amie divorce et se remet avec un homme qui est plus jeune ou plus vieux, plus riche, ou plus pauvre, peu importe, quel que soit l’homme choisi, le choeur des copines dit dans le dos de la fille qu’on jalouse de vivre une deuxième lune de miel: « Ca ne durera pas! »

Ce que ne supportait pas Guitry, c’est d’envisager l’existence comme un devoir, avec raison et mesure:

« Sois sage! Ce conseil salutaire est ordinairement le premier qu’on nous donne. Combien il est prématuré! On nous le donne sur tous les tons, du ton de la prière à celui de la menace, ce qui tend à le déconsidérer aux yeux mêmes de ceux qui nous proposent la sagesse. Ils y renoncent assez vite et, sitôt que nous avons l’âge de raison, il n’en est plus question, et il n’en est plus question d’ailleurs. Jusqu’à l’âge de dix ans, nos parents nous recommandent d’être sages. De dix à vingt ans, nos professeurs nous invitent à être sérieux, puis viennent nos premières maîtresses qui nous supplient d’être gentils. Enfin, voici nos épouses qui nous demandent d’être bons, et qui vont bientôt nous prier d’être indulgents.

 Et c’est alors qu’ayant bien travaillé, beaucoup souffert et bien aimé, nous nous apercevons qu’il faut avoir vécu cinquante années pour suivre le conseil qu’on nous donnait jadis. Ayant atteint la soixantaine nous nous efforçons en effet d’être sages. »

Guitry aurait pu écrire, comme Paul Valéry,  qu’ il y a trois sortes de femmes: les emmerdantes, les emmerdeuses et les emmerderesses. C’est pas faux, j’en connais quelques unes des « emmerdantes » qui s’étonnent qu’on les laisse tomber. Et qui passent une bonne partie de leur existence à maudire les hommes. Pour ma part, j’ai l’impression d’être tour à tour l’une ou l’autre, selon l’humeur du jour:-D

Mais on peut aussi, pour faire bonne mesure, classer les hommes de la même façon: les emmerdants, les emmerdeurs, et les…Ah, il faudrait trouver un mot pas trop vilain: les emmerdissimes, les emmerdassionnels?

Merci à ceux qui ont lu ce billet jusqu’au bout: « vendre » Sacha Guitry aux lecteurs du 3ème millénaire, c’est pas facile!

un premier roman: « adore » par dahlia

 Adore est le premier roman publié par Dahlia, c’est aussi le quatrième ouvrage publié dans la collection m@nuscrits » des éditions Léo Scheer.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore DAHLIA,  je précise qu’elle écrit depuis plusieurs années des critiques culturelles sur son blog « My way or the highway » et signe des critiques sur d’autres supports comme Discordance.

ADORE commence par le récit d’une séquestration: un homme se réveille avec un terrible mal de crâne et s’aperçoit qu’il est attaché à un fauteuil dans son propre appartement; son geôlier ne l’a pas épargné,  car il est littéralement saucissonné par du chatterton et des cordelettes. Cerise sur le gâteau: du chatterton scotche sa bouche, le contraignant à respirer par le nez. Anabel apparaît devant lui, prend tout son temps pour admirer son « travail » et profiter avec jubilation du spectacle de cet homme réduit à une quasi-immobilité et surtout, réduit au silence. Verlaine va être obligé de l’écouter, lui qui depuis deux mois refuse de la prendre au téléphone, refuse de la voir, refuse de s’expliquer d’avoir rompu trivialement par un simple texto après deux mois de liaison. Et le moins que l’on puisse dire est qu’Anabel a vécu comme une humiliation d’être remerciée comme s’il ne s’était rien passé entre eux de suffisamment conséquent pour qu’elle ait droit à un minimum d’égards.

Le roman alterne le récit au présent de la séquestration avec des « rewinds » dans lesquels la narratrice relate sa liaison depuis la rupture jusqu’à la rencontre ( un récit à l’envers comme dans Irréversible;). On comprend qu’Anabel (qu’on devine jeune, un rien naïve, sensuelle, tentée par la soumission sexuelle, passionnée par les livres et le cinéma), n’ait pu qu’être séduite par Verlaine, cet homme qui ne craint pas de dominer les femmes sexuellement et de pratiquer un sadisme modéré tout en n’étant pas une brute épaisse dans le « civil », mais un distingué écrivain qui vit de sa plume.

On pense à de nombreuses références culturelles en lisant ce roman: à « Emmanuelle », d’Emmanuelle Arsan et à Histoire d’O par Dominique Aury, mais aussi au film « Le dernier tango à Paris »,  au « Jardin des supplices » d’Octave Mirbeau et à « Claudine en ménage » de Colette.  J’avoue avoir été surprise par la fin, trop optimiste à mon goût et surtout étonnante vu la personnalité du personnage masculin. Cela m’intéresserait d’avoir le point de vue d’autres lecteurs sur cet épilogue.

Un joli premier roman donc, qui donne envie d’encourager Dahlia à continuer d’écrire. Mais je suis sûre qu’elle a déjà un nouveau titre en chantier;) Wait and see…

Deux extraits:

« Tout échappait à sa maîtrise, le cours du temps, son propre corps, Anabel qui dormait à quelques mètres de lui. Tout juste s’il avait appris à respirer uniquement par le nez. Avant, il n’aurait jamais imaginé que ce fût si épuisant. Il repensa à toutes ces jeunes femmes qu’il avait parfois rendues muettes en les muselant d’un bâillon aux lanières de cuir, une boule de caoutchouc rouge logée dans la bouche. Il repensa à leur respiration aussi ténue qu’un feulement. C’était du jeu. Seulement du jeu. »

 

« Il imagina ce qui se passerait si, dans un moment de folie, elle décidait d’ouvrir la fenêtre et de basculer dans le vide. Sur le bitume, le sang l’auréolerait comme dans un miroir. Ses membres se briseraient, son visage serait à jamais figé dans la terreur. Mais si elle en décidait ainsi, il ne pourrait qu’imaginer sa propre mort puisqu’il resterait solidement amarré à son fauteuil, et sa seule chance de survie serait d’essayer à tout prix de se dégager des liens. Ces fichus liens. Ou il mourrait et pourrirait dans la chaleur intenable de ce mois de juillet, momifié pour l’éternité dans le chatterton et les cordelettes de chanvre ».

 

le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates

Récemment, une copine vient chez moi en me tendant un livre et en disant la fameuse petite phrase: « Il faut absolument que tu lises ça! »

Le livre en question est le « déjà best-seller aux States » Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates,  écrit à 4 mains par Mary Ann Sheffer et sa nièce, Annie Barrows.  Ironie du sort: Mary Ann (née en 1934) est morte en 2008, peu de temps après avoir appris qu’elle était publiée. Même sort que pour Stieg Larsson,  auteur de la trilogie Millenium, qui ne saura jamais que ses bouquins ont un succès hallucinant.

Ayant un autre roman à finir,  j’ai refilé le bébé à l’ »homme de la maison » qui l’a lu très vite et l’a trouvé épatant. Et puis,  je l’ai lu,  ce fameux roman qui va finir en film,  n’en doutons pas, avec Audrey Tautou dans le rôle de l’héroïne.  Je vous épargne le résumé, (il y en a un très bien ici), vous disant juste que c’est un roman épistolaire avec pour toile de fond la guerre et l’après guerre 39/45 , la passion des livres, la solidarité. Quelques histoires d’amour très romanesques agrémentent les récits et donnent la touche sentimentale sans laquelle il est difficile d’accrocher les lecteurs.  J’aimerais pouvoir m ‘extasier comme Anna Gavalda et certains lecteurs internautes, qui jugent le livre « incroyable, délicieux, étonnant, magique… » Moi j’ai juste trouvé ce roman « sympa »; bien ficelé, bien écrit, émouvant à l’occasion, de la belle ouvrage. Mais sans réelle qualité littéraire, à mon goût: un style conventionnel et pas vraiment d’audace dans le récit. C’est intéressant d’un point de vue historique, ça donne le message sympatoche que les livres permettent de mieux supporter les épreuves. Mais après?

Serais-je devenue cynique ou blasée ou trop snob? Récemment, une femme que je n’avais pas revue depuis vingt ans et que j’ai retrouvée par hasard, une femme très branchée, cultivée, d’une intelligence supérieure à la moyenne (vous me direz la moyenne n’est pas grandiose),  me confiait qu’elle détestait Houellebecq (qui est pour moi un des rares qui passera à la postérité parmi les écrivains encore vivants) et ADORAIT « L’élégance du Hérisson », qui me plait déjà davantage que le « cercle littéraire »,  parce qu’il a le mérite d’avoir des personnages hauts en couleur (la petite surdouée suicidaire, la concierge érudite), mais qui n’apporte pas grand chose de nouveau à la littérature française.

En somme, je ne suis pas faite,  ni pour lire des best sellers, ni pour en écrire, et je m’en voudrais presque d’être aussi rabat-joie.

POUR FINIR UN MESSAGE PERSONNEL:

                Joyeux anniversaire, chère Alex!!!!!!!!!!!!!!!!!!

 

 

 

quand Bernard henri lévy philosophait déjà « grave »

Bernard Henri Lévy a fait une entrée fracassante dans le paysage audiovisuel français en 1977. Dans la célèbre émission littéraire  APOSTROPHES,  ce jeune agrégé de philosophie de 29 ans, auteur cette année là de « La  barbarie à visage humain » et André Glucksmann  (« Les maîtres penseurs », « La cuisinière et le mangeur d’hommes »),  sont présentés comme « les nouveaux philosophes ». La qualité philosophique et la pertinence de leurs écrits sera contestée par de nombreux penseurs, mais la formule fait mouche; très vite, les médias s’arrachent ces deux intellectuels très photogéniques.

J’ai trouvé sur Youtube un document assez rigolo: deux journalistes canadiens interviewent en 1980 notre fringant nouveau philosophe. Il est beau (si si!), les cheveux longs juste ce qu’il faut, porte déjà LA fameuse chemise blanche,  et surtout il a la « gravitude » chevillée aux lèvres. Dommage, car son discours est intéressant, voire percutant, notamment quand il parle du rôle des artistes (Musil, Soljénitsyne) dans la dénonciation des risques totalitaires; mais il se la joue tellement comme s’il passait un casting pour intégrer l’Actors Studio, que ça devient un sketch, cette interview.  Un grand moment quand il déclare solennellement qu’il sera le premier écrivain français à changer de nationalité, si la France devient communiste. Il s’est fait peur pour rien, le choupinet, quand on voit notre France sarkozyste du troisième millénaire…Je vous laisse apprécier ces quelques minutes très savoureuses, en cliquant ici: YouTube – Bernard-Henry Levy

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