« le voyage d’hiver » d’Amélie Nothomb: un cru moyen
Il est de bon ton de dénigrer Amélie Nothomb, de la rabaisser au même niveau que Musso & co, alors qu’elle a tout de même écrit de nombreux livres qui sont, sinon de « GRANDS » livres, du moins des oeuvres pleines d’esprit et d’originalité: « Hygiène de l’assassin », « Les catilinaires », « Stupeurs et tremblements », « Attentat », « Métaphysique des tubes », « Autobiographie de la faim », « Ni d’Eve ni d’adam ». A l’évidence, ces dernières années, pour des raisons que je ne m’explique pas ou que je soupçonne d’être de « mauvaises » raisons (manque de discernement, lâcheté de l’éditeur, besoin d’argent pour payer les impôts d’une année l’autre) Amélie nous a servi quelques gros « nanars »: « Peplum », « Robert des noms propres », « Journal d’Hirondelle », « Acide sulfurique », entre autres.
Cette année encore, comme chaque automne, le Nothomb nouveau est apparu dans les librairies. C’est un cru moyen. Moins bâclé que le cru 2008, plein d’humour, assez attachant malgré la fin en queue de poisson. Il faudrait vraiment qu’Amélie Nothomb apprenne à terminer un roman de façon cohérente.
Pour « Le voyage d’hiver », la romancière a privilégié comme bien souvent, une trame romanesque à la limite de l’abracadabrantesque, avec des personnages portant des prénoms improbables. C’est sa marque de fabrique et cela explique son succès; chaque année, on se demande « Qu’est-ce-qu’elle a bien pu encore inventer? ». Cette fois ci, elle nous raconte l’histoire de Zoïle, employé à l’EDF comme agent chargé d’ aider les « défavorisés » à trouver des solutions pour améliorer leur habitat de façon à consommer le moins d’énergie possible; un jour, il rend visite à Alénior et Astrolabe (sic) deux jeunes femmes vivant dans un petit logement sans confort qu’elles ne chauffent pas par économie. Astrolabe, « la belle », consacre 100% de son temps à assister Aliénor « la laide », dans sa vie quotidienne; Aliénor est en effet une autiste dont la seule qualité est de pondre des romans d’un talent fou; cette créature monstrueuse qui ne s’exprime que par borborygmes et baffre toute nourriture lui tombant sous la main est tout à fait répugnante, tandis que sa protectrice et secrétaire Astrolabe est intelligente, charmante, d’une beauté supérieure et d’un dévouement hors du commun. Zoïle tombe fou amoureux, inutile de préciser de laquelle de ces deux créatures; il va s’apercevoir qu’il lui sera impossible de ravir complètement sa belle à « la neuneu » dont il vient à souhaiter en vain la disparition. Bien qu’amoureuse, Astrolabe n’abandonnera jamais la cinglée dont elle admire le talent d’écrivain plus que tout. Révolté de voir le destin lui refuser l’accomplissement de son voeu le plus cher- vivre son amour en toute liberté- Zoïle décide de se saborder en accomplissant un acte de terrorisme kamikaze. Résumé ainsi, cela paraît ridicule et pourtant Nothomb parvient à ficeler un roman enlevé, très drôle et rempli du genre d’aphorismes et de bons mots qu’elle affectionne. Florilège:
« J’avoue ma sidération face à ces gens innombrables qui, s’il faut les en croire, souffrent du peu de sens de leur existence. Ils m’évoquent ces élégantes qui s’écrient, devant une garde- robe fabuleuse, qu’elles n’ont rien à se mettre. Le simple fait de vivre a un sens. »
« On ne détourne pas un avion pour le plaisir, mais pour occuper la Une. Supprimez les médias et tous les terroristes se retrouveront au chômage. »
« J’ignore ce qu’est la réussite d’une histoire d’amour, mais je sais ceci: il n’y a pas d’ échec amoureux. Eprouver l’amour est déjà un tel triomphe que l’on pourrait se demander pourquoi on veut davantage. »
« L’hiver et l’amour ont ceci de commun qu’ils inspirent le désir d’être réconforté d’une telle épreuve; la coïncidence de ces deux saisons exclut le réconfort. Soulager le froid par la chaleur écoeure l’amour d’une impression d’obscénité, soulager la passion en ouvrant la fenêtre sur l’air vif envoie au tombeau en un temps record. »
« Ce que l’on nomme bad trip consiste à voir clair. Mon premier bad trip, c’était dans le métro. Soudain j’ai vu la laideur qui m’entourait. Or je ne l’avais pas inventée, elle était là auparavant. »
Lire « Le voyage d’hiver » c’est un peu comme déguster un Rocher Suchard: moins bon qu’une boîte de chocolats mitonnés par un Maître meilleur ouvrier de France, mais bien agréable à consommer.