D’accord Monsieur je sors ! Par Valy-Christine Oceany
Chose promise, chose dûe; enfin, je livre mes impressions sur « D’accord monsieur je sors » de Valy Christine Oceany.
Ce roman relate sept jours de la vie de Violeta, fillette de dix ans vivant dans un pays qu’on devine, bien qu’il ne soit jamais nommé, être la Roumanie, le pays où est née l’auteur. Violeta est une enfant gentille, calme et appliquée, prête à tout pour être aimée des adultes. Pourtant, elle se heurte en permanence à des murs: mur de sévérité excessive des « camarades professeurs », mur de froideur et de violence de son père et de sa belle mère, mur de silence des voisins qui « ne veulent pas voir » la vie terrifiante subie par cette très jeune fille. Valy décrit une succession de scènes où Violeta passe de l’école où, bien que très bonne élève, elle n’est pas aimée des femmes qui sont chargées de son éducation, et où elle n’a pas d’amies, à son domicile où vivent un père autoritaire, froid et parfois même violent, et une belle mère qui n’est pas plus aimante que le père biologique. Certaines séquences sont presque insoutenables, on est plus proche du fait divers de maltraitance que de Poil de Carotte. Pour survivre et ne pas se sentir seule au monde, Violeta s’est inventée une amie, une poupée qu’elle reconstitue chaque jour avec des bouts de tissu (en cachette car même cela, même jouer avec des bouts de tissus ne lui est pas permis); elle a aussi découvert qu’en écrivant de petites fictions sur des pages de cahiers, elle se sent mieux, elle a enfin quelque chose qui lui permet de s’évader. Une injustice de trop va contraindre l’enfant à se révolter, je ne peux pas dévoiler comment, pour ne pas raconter tout le roman.
Ce qui m’a le plus impressionnée, c’est la distance placée entre la narratrice et son sujet. Valy Christine évite les bavardages, les complaisances qu’on pourrait attendre dans ce style d’histoire. Les scènes se succèdent, portées par une écriture sobre; la violence est montrée, jamais commentée, comme si cette enfant était là sous nos yeux, et que l’on suivait ce qu’elle endure, tout en ressentant la sidération que provoque la souffrance parfois extrême qui l’atteint. On ne dira jamais assez que les enfants aiment leurs parents inconditionnellement au point de ne rien dire, d’espérer que demain sera meilleur, que demain Papa sera de bonne humeur, et manifestera enfin son amour. A la fin du récit, on ne sait pas vraiment si bien des années plus tard, l’enfant qui est devenue femme a pardonné. C’est là mon seul regret, après cette lecture: on ne sait pas ce qui se passe entre la fin des sept jours relatés dans le roman, et le moment où Violeta est une femme adulte en âge de comprendre et analyser ce qui s’est passé. Peut-être l’auteur a -t-elle en cours un autre récit où elle raconte l’adolescence et la vie d’étudiante de cette si attachante héroïne ?
Valy-Christine a un grand talent, une écriture où ceux qui comme moi aime le style slave, à travers des auteurs comme Nina Berberova, trouvent beaucoup de plaisir de lecture. Je suivrai avec plaisir son travail d’écrivain. Voici, pour compléter cette critique, un résumé biographique:
Valentina Ciobanu, alias Valy-Christine océany, est née à Lugoj, en Roumanie. Ses parents étant séparés, elle vit son enfance entre Lugoj et Bucarest, la ville de son père. Orléanaise depuis 1991, elle a déjà publié aux éditions Demeter un recueil de nouvelles, Quelque part en Roumanie, et un roman D’un pays l’autre sélectionné par les bibliothécaires de la ville de Paris comme « coup de coeur » dans la catégorie « Premiers romans 2008″.