Brèves notes de lecture
10 novembre, 2009 @ 12:03 Non classé

Trois livres qui ne m’ont pas laissée indifférente mais qui ne « méritent » pas un billet spécifique:

MES ILLUSIONS DONNENT SUR LA COUR  de Sacha Sperling

Le premier roman de Sacha Sperling, fils de Diane Kurys et Alexandre Arcady, réalisateurs de cinéma,  a été boudé par la blogosphère pour cause de favoritisme éditorial supposé.  Je n’avais pas l’intention d’acheter ni même de lire ce bouquin avant sa sortie en poche,  mais ma fille se l’est vu offrir par une copine, donc je l’ai lu pour me faire une idée.

« Mes illusions… » est ce qu’il est convenu d’appeler un roman d’apprentissage. Le narrateur a 14 ans au début du récit, on va suivre ses tribulations scolaires, familiales, sexuelles et sentimentales pendant quelques mois. Notre héros vit seul avec sa mère dans un bel appartement. Ses parents l’ont conçu alors qu’ils étaient séparés: la mère voulait un enfant, mais seulement si son ex acceptait de lui en faire un. L’enfant voit peu son père, il lui en veut d’être accaparé par son autre vie,  se sent mal à l’aise quand il rencontre sa tribu et le lui fait payer en boudant, en étant désagréable et provocant. Il adore sa mère, avec laquelle il a une relation ambigüe;  il l’aime, l’admire, la trouve adorable mais lui en veut d’être sa mère. C’est assez classique, ce genre de sentiment de rejet au moment de l’adolescence.

Il s’ennuie énormément; classique là aussi de s’ennuyer à l’adolescence mais dans ce récit,  l’ennui prend des proportions pathologiques. Qu’il s’ennuie en classe au point de devenir un cancre, ou avec ses rares amis, on comprend (un peu) ; qu’il s’ennuie quand sa mère l’emmène aux Seychelles, ou quand son père l’emmène à la Mamounia qui est un des plus beaux palaces du monde, c’est plus problématique, en général dans ce genre de vacances les gosses sont sympa. Même lorsqu’il  sort en boîte,  et drague une fille, il s’emmerde un brin;  il faut dire que sa conquête n’est pas très causante, et tellement « bourrée » qu’elle tente de lui faire une fellation (il s’en passe des choses dans les naïtecleubs) ; dans un sursaut de dignité il refuse. Parallèlement à cette première expérience sexuelle avortée, il noue un lien assez fort avec un ado encore plus paumé que lui:  Augustin qui boit, fume des joints, finit par tâter de la coke sous l’oeil surpris et finalement admiratif de Sacha. Tous deux deviennent inséparables, il couchent ensemble, se droguent ensemble, sans que rien ou presque ne soit dit: Sacha se laisse faire comme un objet et c’est cela finalement le sujet principal du roman; le « héros »  subit sa vie, s’en veut de se laisser maltraiter par son copain qui ne lui veut pas du bien, d’être incapable de se rebeller,et d’envoyer promener ses parents, ses professeurs; il se console et passe le temps en faisant n’importe quoi.

Ce roman est bien écrit, même s’il y a quelques phrases clichés, et je suis persuadée qu’il aurait suscité l’intérêt d’éditeurs indépendamment du nom des géniteurs de Sperling. Et pourtant il me laisse une impression mitigée de pitié et de lassitude. A mon avis il a dû avoir et aura encore pas mal de succès chez les moins de vingt ans, car le vécu douloureux de l’adolescent est bien rendu et les djeunes adorent lire des livres un rien provocateurs.

(Editions Fayard.2009)

 

LE CHOEUR DES FEMMES de  Martin Wrinckler

Voilà un roman étonnant, presque aussi surprenant que « La maladie de Sachs » publié en  1999 . En effet, il n’est question que de médecine et plus précisément de gynécologie médicale, dans ce récit à plusieurs voix. Une interne major de sa promo et se destinant à la chirurgie se voit contrainte d’effectuer un stage de fin d’études dans le service de Karma, un médecin passionné par la médecine féminine au point de faire son métier en militant. Il lutte avec un zèle jugé louche par nombre de ses confrères, contre tous les manques, les souffrances, les humiliations que subissent trop souvent les femmes au moment des accouchements, des IVG et même des examens de routine.  Jean Atwood, une arriviste un rien brutale, misogyne et prétentieuse, se demande ce qu’elle fout là: ce médecin passe un temps fou  à écouter les « bonnes femmes » raconter  des problèmes qui lui semblent mineurs. Un médecin est fait pour prescrire, opérer, guérir ou prévenir le mal, point barre. Très vite pourtant,  elle va comprendre que s’occuper de l’intimité du corps d’une femme ce n’est pas simple comme une appendicectomie, que le le facteur psychologique est essentiel. Pour être tombée lors de ma première grossesse sur un « mandarin » qui m’expédiait en trois minutes à chaque visite mensuelle, je ne peux qu’acquiescer. Les corps méritent le respect, et trop de médecins se comportent comme des malotrus quels que soit leur spécialité. Le propos du livre alternant récits de l’interne qui bien évidemment finit par être acquise à la cause de son patron, monologues de patientes, extraits de carnets de consultations sur un fil d’intrigue à suspense, est intéressant, et parfois assez passionnant. J’ai appris des tas d’informations médicales que j’ignorais et certaines « histoires » sont hallucinantes, ne donnant pas franchement confiance dans le corps médical. Pourtant le roman ne m’a pas entièrement convaincue. Il y a un côté moralisateur agaçant chez Wrinckler qui s’exprime à travers le personnage du médecin vedette de son livre. On a l’impression qu’il est le seul médecin français à respecter ses patientes, le seul mec à soigner des femmes défavorisées.  Jai tendance à me méfier des gens qui crient sur les toits qu’ils se battent pour le bien de l’humanité (Winckler tient un blog militant). D’autre part, le personnage féminin est très caricatural. Enfin, si ma fille réussit le concours de médecine, dans peu de temps j’en saurai plus sur les coulisses des hôpitaux;)

(Editions POL 2009)

 

L’HOMME QUI NE SAVAIT PAS DIRE NON de Serge Joncour

L’idée de départ est un rien surréaliste: un homme (enquêteur dans un institut de sondage), s’aperçoit qu’il ne peut plus dire « non ». Le mot lui échappe, même quand le besoin de refuser se fait impérieux. Ce handicap l’entraîne dans des situations absurdes: le matin, ne pouvant dire non à chaque collègue qui lui propose de prendre un café, il enchaîne les gobelets de boissons caféinées, puis finit par prendre un ou deux potages à la tomate. Quand il drague une collègue, il est coincé, et s’emberlificote, comme dans cet échange:  -Dites-moi, ça vous ennuie si je fume ? -Oui.  – Ca lui avait littéralement échappé. -Ah bon, mais même là en marchant, ça vous gêne? -Marie-Line, comment vous dire ? …Quel revers, il s’était fait surprendre.

Pire, quand il effectue des sondages, incapable de prononcer « non », il obtient des résultats absurdes: les personnes interrogées répondent toutes par « oui » ou « ne sait pas ».

Mon problème a été dès le début de ne pas entrer dans cette fable. Le héros pourrait bien souvent s’en tirer en répondant « je ne préfère pas » ou « peut-être une autre fois » par exemple, et une partie de ses mésaventures devient du coup invraisemblable ou du moins très artificielle.  Afin de retrouver le « non », il s’inscrit à un atelier d’écriture. Au terme d’un long travail sur son passé, il finira bien évidemment par être guéri.

Je n’ai pas été captée par ce roman; je me suis même un peu ennuyée, comme quand je regarde un film avec des quiproquos répétitifs. Dommage, car Serge Joncour écrit avec beaucoup de soin et d’humour.

(Editions Flammarion. 2009)

 

-Marie Lebrun
rss 6 réponses
  1. Manuel
    10 novembre, 2009 | 12:24 | #1

    Pour le deuxième livre commenté, je trouve intéressant que les artistes et les écrivains se penchent comme ça sur la médecine, qui est presque intouchable. Ca ne se passait pas comme-ça au baroque.

  2. Manuel
    11 novembre, 2009 | 1:33 | #2

    Excusez moi à nouveau l’interruption; je voulais revenir sur une réponse à votre commentaire sur mon blog, dans laquelle j’étais un peu dur à l’égard de Catherine Malabou et son rapport à la psychanalyse, qui me semblait ambigu. C’est en lisant il y a un moment Que faire de notre cerveau ? que je me dis qu’enfin elle reste une fille de Freud. Où je préfère me mentir à moi-même à son propos, je ne sais pas.

    Vous avez une idée de ce qui se passe ? Plusieurs blogs bloqués, presque aucun commentaire sur d’autres (dont le mien)…

  3. 11 novembre, 2009 | 10:12 | #3

    @Manuel.
    Pour ce qui concerne le « Choeur des femmes », qui traite du corps de femmes face au corps médical: il faudra que vous le lisiez un jour, vous qui êtes si proche tant affectivement qu’ artistiquement du corps féminin.
    Certains blogs bloqués: il y a une sorte d’épidémie de bouderie, de paranoïa. J’ai remarqué d’autres années dans la « vraie vie » que le mois de novembre ne réussit pas à grand monde.
    Je ne commente pas souvent vos posts mais je les lis tous sans exception. Soyez en assuré. Je ne commente pas les peintures parce que je n’entends pas grand chose à l’art du dessin et de la peinture. J’aime ce que vous faites de façon brute, naïve, comme vous dites souvent.

  4. Cécile D.
    13 novembre, 2009 | 0:26 | #4

    Marie, vous avez raison … les gens hibernent , dépriment , se blotissent en eux-mêmes en ce mois de novembre… un spleen général!
    mais comme vous, je vais lire sans commenter pour autant…
    Manuel je vs rends visite aussi souvent ..
    j’ai mon petit parcours perso et ça me plaît bien … *_*

  5. Anne-Sophie
    15 novembre, 2009 | 15:17 | #5

    Pas vraiment tenté pas ces livres… Surtout pas le roman de Sperling… Pas écrit, assez creux. Ah ces pauvres gosses de riches. Ils s’ennuient, ils ont tout…
    Winckler a une véritable plume. Sans doute un roman à lire à l’occasion malgré ce manichéisme que vous dénonce et qui m’irrite également.

  6. 15 novembre, 2009 | 21:12 | #6

    @cécile D
    Je ne comprendrai jamais pourquoi les blogs sont moins commentés en novembre. En août, encore mais là…Mystère et boules de gomme;)
    @Anne Sophie
    Je suis sûre que le bouquin de Wrinckler vous plaira; pour ma part, ce n’est pas son écriture, assez plate, qui me séduit mais son univers. Arriver à passionner sur le monde médical, ce n’était pas gagné.

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