l’atelier d’écriture, roman (chepdeville)
En flânant dans les rayons d »une de mes librairies préférées, j’ai trouvé une perle. Pas un chef d’oeuvre, pas le livre qui va révolutionner l’histoire du roman français, mais un bouquin très bien ficelé et souvent très drôle, sur un sujet qui ne manquera pas d’intéresser ceux parmi mes chers lecteurs qui se torturent les méninges pour savoir quoi écrire, comment l’écrire, et toutes autres questions agitant ceux que Wrath appelle les « wannabes »:
« L’atelier d’écriture » publié au Dilettante par Chepdeville.
Dans ce roman, le narrateur qui s’appelle Chepdeville (comme l’auteur), est un écrivain raté: il a publié un polar qui n’a pas marché, et pendant les quinze ans qui ont suivi, plus rien. On ne saura jamais exactement ce qui s’est passé pour que cet écrivain ne publie plus un seul livre après cette première incursion dans le monde éditorial: peur de l’échec, manque d’inspiration, dépression? On sait juste qu’il survit en touchant le RMI et en accumulant les stages proposés par l’ANPE. Alors qu’il rêvasse dans son modeste appartement, un représentant du Conseil général l’appelle pour solliciter ses compétences afin d’animer un atelier d’écriture dans un collège voisin. Malgré sa répugnance à retrouver un semblant de légitimité en se voyant confier cette mission, Chepdeville accepte. Et le voilà embarqué dans diverses aventures car d’autres propositions d’animation d’atelier d’écriture suivront, qui le mèneront dans des établissements où chaque fois, il se transformera en éducateur, en pion, en confident, en témoin à la fois amusé et exaspéré du mal de vivre des uns, de l’inculture navrante des autres. Il aura même la surprise d’être le bourreau des coeurs (ou des corps plutôt) de ces dames. Au passage, il retrouvera un amour de jeunesse: la maman de Babacar, un de ses élèves les plus patibulaires.
Chepdeville a un évident talent de conteur; on tourne les pages sans s’ennuyer une seconde, on rit beaucoup, son livre est un bonheur de lecture. Il livre aussi quelques réflexions pertinentes (et parfois désespérantes) sur ce qu’est devenu « le monde de l’édition ».
Extraits:
« Ah ouais! Alors tu t’inspires de nous pour nous mettre dans tes bouquins? On te sert de cobayes, quoi! s’exclama Sophie.
Qu’est-ce qu’elle racontait, l’infirmière, elle se prenait pour Sophia Loren ou quoi? Et puis ils allaient m’emmerder longtemps avec leurs questions à la noix? Ils n’étaient pas venus pour écrire des nouvelles policières?
-Non, ce n’est pas systématique. C’est vrai que certaines personnalités dans la vie peuvent m’inspirer, mais c’est tout aussi valable dans la rue ou dans mon quotidien. J’utilise tout ce que je vois et entends, je suis une véritable éponge, comme Bob.
-Et tu t’inspires des faits divers dans les journaux? lança Véro.
C’était bien une question de future douanière, ça. Dommage, elle était mignonne.
-Non, je ne pompe jamais dans les journaux. J’ai la chance d’avoir un bon imaginaire. Mes idées d’histoires se bousculent suffisamment dans ma tête pour que je n’aie pas besoin d’aller chercher ailleurs dans la réalité.
Le menteur, l’immonde menteur, j’avais un imaginaire en peau de zob, j’avais toujours ramé comme un malade pour trouver ne serait-ce qu’un début d’embryon d’histoire. Mais qu’est-ce que c’était que ce boulot où l’on était payé pour raconter des conneries. C’était là tout le problème d’auteur, cette envie irrépressible d’écrire, de raconter, mais je n’avais rien à raconter. La seule chose que la nature avait daigné me filer, c’était le style. Mais qu’est-ce que je faisais avec ce truc, si le reste ne suivait pas? Tout le monde ne s’appelait pas Nabokov. »
… »Je pense que ceux qui écrivent sur le sujet (l’édition), ne lisent pas. Ce sont des journalistes, des comptables, des statisticiens. Ils devraient moins en parler et lire plus, lire mieux, découvrir, au lieu de s’obliger à bouffer du formaté pour pouvoir argumenter leur papier. C’est un jeu de dupes. Le paradoxe dans ce milieu, c’est que ce sont les gens qui fabriquent les livres qui lisent le moins. Les auteurs eux mêmes, pour la grande majorité, ne lisent pas. Ils ne s’intéressent qu’à leurs livres, et ils s’étonnent toujours que les autres écrivains ne s’intéressent pas à leur travail. Ce sont souvent des gens prétentieux et nombrilistes, pas autant que les théatreux, ça c’est impossible, mais ils en tiennent tout de même une sacrée couche. S’ils s’intéressaient un peu plus aux autres, au lieu de se palucher uniquement sur leur prose, peut-être qu’on ferait un peu plus de cas de leurs écrits. Mais tout ça, c’est un faux problème. Le livre est avant tout une industrie, à l’instar du cinéma, une histoire de marchands de papier. »
Bon courage pour écrire après ça! Merci, Monsieur Chepdeville;)