un écrivain d’autrefois
Au risque de frôler le mauvais goût, de désoler certains de mes habitués, voire même de me ringardiser définitivement, tant pis, je prends le risque, j’écris un post sur Sacha Guitry, un auteur qui sent la naphtaline, un vieux de la vieille, qui lorsque j’étais gamine passait déjà pour un macho mégalomane, snob et frivole.
Dans une bouquinerie, j’ai acheté pour la modique somme de six euros, un volume relié et délicieusement illustré par DA. Steinlen. Au programme: un essai, « Les femmes et l’amour », et le texte de la pièce « Désiré ».
Je n’ai pas regretté l’investissement: quel esprit et quelle plume ce Sacha Guitry! Celui qui n’était pas « contre les femmes, mais tout contre », qui aimait du même amour passionné son travail et les femmes « aimables », écrivait avec légèreté sur des sujets sérieux. L’amour est une chose sérieuse, la place que doit occuper la femme dans la société également. En lisant « Les femmes et l’amour » j’étais presque convaincue de l’inutilité du féminisme. C’est dire l’habileté de cet homme qui parvient à dire beaucoup de mal des femmes tout en les mettant, du moins celles qui méritent d’être aimées, sur un piédestal:
« Si je dis que je n’aime pas les femmes, c’est parce que je les adore, bien entendu…Tout ce mal que je pense et que je dis des femmes, je ne le pense et ne le dis que des personnes qui me plaisent ou qui m’ont plu. Et on ne peut les aimer à la folie, l’une après l’autre, que si l’on considère que celle que l’on aime est la seule qui soit aimable sur la terre. L’aimée c’est l’élue, et dire à une femme qu’on l’aime, c’est dire à toutes les autres qu’on ne les aime pas. D’ailleurs, quand une femme est élue, toutes les autres devraient prendre le deuil. »
Autre « pensée » de Guitry sur les femmes: celles-ci seraient plus heureuses si elles ne passaient une bonne partie de leur temps à s’occuper de ce que font les autres femmes:
« Si une femme est malheureuse, elles lui font du bien… Mais si une femme est heureuse, elles en disent du mal! Et, de même que la plupart d’entre elles ne peuvent pas se résigner à leur bonheur, elles ne croient pas au bonheur des autres. Quand on leur dit qu’une femme est heureuse, elles répondent: »Oui, eh bien…Nous en reparlerons dans un an! » Et pendant vingt ans elles le répéteront sans cesse. »
Là franchement, ça me rappelle des choses; une amie divorce et se remet avec un homme qui est plus jeune ou plus vieux, plus riche, ou plus pauvre, peu importe, quel que soit l’homme choisi, le choeur des copines dit dans le dos de la fille qu’on jalouse de vivre une deuxième lune de miel: « Ca ne durera pas! »
Ce que ne supportait pas Guitry, c’est d’envisager l’existence comme un devoir, avec raison et mesure:
« Sois sage! Ce conseil salutaire est ordinairement le premier qu’on nous donne. Combien il est prématuré! On nous le donne sur tous les tons, du ton de la prière à celui de la menace, ce qui tend à le déconsidérer aux yeux mêmes de ceux qui nous proposent la sagesse. Ils y renoncent assez vite et, sitôt que nous avons l’âge de raison, il n’en est plus question, et il n’en est plus question d’ailleurs. Jusqu’à l’âge de dix ans, nos parents nous recommandent d’être sages. De dix à vingt ans, nos professeurs nous invitent à être sérieux, puis viennent nos premières maîtresses qui nous supplient d’être gentils. Enfin, voici nos épouses qui nous demandent d’être bons, et qui vont bientôt nous prier d’être indulgents.
Et c’est alors qu’ayant bien travaillé, beaucoup souffert et bien aimé, nous nous apercevons qu’il faut avoir vécu cinquante années pour suivre le conseil qu’on nous donnait jadis. Ayant atteint la soixantaine nous nous efforçons en effet d’être sages. »
Guitry aurait pu écrire, comme Paul Valéry, qu’ il y a trois sortes de femmes: les emmerdantes, les emmerdeuses et les emmerderesses. C’est pas faux, j’en connais quelques unes des « emmerdantes » qui s’étonnent qu’on les laisse tomber. Et qui passent une bonne partie de leur existence à maudire les hommes. Pour ma part, j’ai l’impression d’être tour à tour l’une ou l’autre, selon l’humeur du jour:-D
Mais on peut aussi, pour faire bonne mesure, classer les hommes de la même façon: les emmerdants, les emmerdeurs, et les…Ah, il faudrait trouver un mot pas trop vilain: les emmerdissimes, les emmerdassionnels?
Merci à ceux qui ont lu ce billet jusqu’au bout: « vendre » Sacha Guitry aux lecteurs du 3ème millénaire, c’est pas facile!